Product Inbox 📬 Focus #15 - LA Masterclass pour construire une vision Produit claire
Une masterclass de 3 heures par 5 top CPO FR
Après avoir lu cette édition, ce serait super que tu prennes 30 secondes pour me dire ce que tu en as pensé :)
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Introduction
En avril dernier, j’ai co-organisé avec les équipes de Lempire un événement sur un sujet que j’adore : la vision Produit.
Et ce n’est pas la première fois que j’en parle.
Car la vision, c’est le sujet central dans une boîte. Et j’ai souhaité le démystifier à de nombreuses reprises. D’abord dans l’édition Focus #8 de Product Inbox que j’ai convertie en un épisode de Clef de voûte. Puis via le Product Vision Sprint appliqué par Capucine Borghese chez Lunii.
Pour boucler la boucle, j’ai voulu en faire un événement physique qui a eu lieu le 20 avril dernier. Et ça ressemblait à ça :
Je vais te confier quelque chose :
C’est la plus grosse Masterclass à laquelle j’ai assisté en 2023.
Et pas pour rien. Car 5 rockstars du Produit ont répondu présent.
Speakers
Benjamin Retourné : VP Product & Design chez BlaBlaCar.
Savinien Lucbéreilh : CPO de Partoo.
Benoît Terpereau : CPTO de Lunii.
Emile Karam : cofounder et CPO de Garantme.
Christopher Parola : CPO de Yousign.
Et pour couronner le tout, 200 passionnés ont rempli les locaux de Lempire une matinée entière. La claque.
Comme le nombre de places à cet événement était limité (et que je suis contre le cloisonnement de la connaissance), j’ai décidé de te partager l’intégralité de l’événement dans cette nouvelle édition Focus.
J’y ai même intégré les questions de l’audience (et les réponses qui vont avec).
Tout ça dans une édition costaud (et longue 😅).
Un conseil : parcours d’abord les questions du sommaire ci-dessous pour repérer celles qui t’intéressent. Et prends le temps de dévorer les réponses à tes challenges :)
J’en profite pour remercier Christopher, Savinien, Benoît, Emile, Benjamin, Erisa, Robin, Lisa et tous les participants. 💛 You made it crazy.
NB : pour une lecture simplifiée, je me suis permis de retravailler les dialogues en essayant rester le plus proche possible des réponses originales de mes invités.
Lors de cet événement, on a creusé le sujet via 8 questions :
C’est quoi une vision Produit ?
Qui doit participer à définir la vision ?
Comment articuler la vision, la stratégie Produit, les OKRs et la roadmap ?
Comment définir concrètement la vision Produit ?
À quel moment faut-il formaliser la vision Produit ?
Quelles sont les erreurs (ou biais) à éviter ? Et les tips pour réussir ?
Comment faire pour éviter que la vision devienne seulement un document inutilisé ?
Que conseillerais-tu aux personnes dans l’audience qui voudraient initier ce travail de vision produit ?
Et l’audience a posé 12 questions :
Quelle est la différence entre la vision d’entreprise et la vision produit ? Et la mission vs la vision ?
Comment arrivez-vous à prouver que les équipes sont alignées avec la vision ou qu’elles ne le sont pas ?
Créez-vous plusieurs versions de vision (une interne, une pour vos clients, une pour les candidats, pour vos investisseurs…) ?
Je vis un écart énorme entre la vision des fondateurs et le reste de l’équipe. Avez-vous vécu ce cas ?
La vision est-elle “dream-built” ou doit-être elle “backée” par de la research ?
Est-ce qu’il y a des méthodologies ou conseils pour la gestion des désaccords dans le process de définition de la vision ?
Est-ce que dans la révision de la vision, vous la revoyez en fonction de l’externe (nouveau concurrent etc.) ?
Quand vous construisez cette vision, définissez vous des indicateurs ou horizons qui vous permettent de voir si vous allez dans la bonne direction ? Comment faire pour que le chiffre prenne pas le dessus sur la vision ?
Je travaille pour Meetic qui est rattachée à un groupe. On a notre vision et le groupe a la sienne. Comment affirmer notre vision avec celle de la boite mère ?
Vous parliez de personnes clés tout à l’heure. Quel est le bon ordre de grandeur de personnes pour participer à construire la vision? Faut-il privilégier un certain type de personnes?
Auriez-vous des conseils pour activer la méthode de construction de vision en “bottom-up” dans une organisation qui croit très vite ?
Je travaille chez Renault sur les apps mobile. Comment réussir à faire en sorte de faire émerger une vision produit dans ces petites entités de l’entreprise ?
Les points principaux à retenir 🧠
Vision Produit = outil de communication et d’alignement des équipes. Simplifie la priorisation. Horizon de 3 à 5 ans.
Ownership par les fondateurs. Co-créée par le leadership + les équipes → approche bottom-up.
Vision est définie en premier. Puis stratégie, roadmap et OKR. Possibilité de dissocier vision court terme et long terme.
Process pour la définir : pas de standard. Généralement : discussions avec founders → discussions managers d'équipes + équipes. Format accéléré possible (sprint de 5 jours)
Forme finale : pas de standard. Possibilités : phrases, maquettes, slides, jeu de cartes. Revue de la vision : généralement tous les ans. Chaque équipe peut utiliser un morceau de la vision.
Déclencheurs pour la formaliser : équipes désalignées, pitchs commerciaux qui divergent, post levée de fonds (Series A).
Erreurs à éviter : la définir seul ; ne pas utiliser régulièrement la vision ; impliquer trop de monde dans sa définition ; ne pas la communiquer assez ; repartir de zéro pour la construire ; le syndrome Steve Jobs.
Pour faire vivre la vision : en faire un rituel ; l'utiliser à chaque présentation Produit, recrutement, onboarding ; sur les decks commerciaux.
Conseils : adaptez la méthode à vous ; ne pas avoir peur de se planter ; la définir au niveau d'une squad si difficile au niveau de l'entreprise.
A. Les questions du talk
1/ C’est quoi une vision Produit ?
Benjamin Retourné
C’est un artefact d’alignement et de communication. Ça répond à :
Où est-ce qu’on veut être dans 3-5 ans ?
Comment on aligne tout le monde vers cette cible ?
On peut prendre différents chemins pour atteindre cette vision en fonction des événements.
Savinien Lucbéreilh
C’est un outil pour aligner et inspirer tout le monde. On veut pousser tout le monde à comprendre et suivre cette direction. Sans vision, impossible de faire ça. Quand j’ai rejoint Partoo en 2018, il n‘y avait pas de vision. Les équipes ne se parlaient pas et on n’allait pas dans la même direction.
Benoît Terpereau
Quand on a une bonne vision, la priorisation est plus simple. Et on sait tous ensemble où aller (toute la boîte). L’alignement est plus fort et on y va plus vite.
Emile Karam
Chez Garantme, la vision produit décrit ce qui va se passer dans 3-5 ans. “Si on réussit avec Garantme, voilà les bénéfices que nos clients vont pouvoir obtenir”. On prend le point de vue d’un client. La vision décrit les bénéfices avec des phrases et des visuels qui vont laisser place à l’imagination pour inspirer.
Objectifs :
Inspirer les équipes
Aligner les équipes
Vendre aux clients
Recruter
Christopher Parola
Certaines visions Produit se font sous forme de slides ou de phrases. D’autres sont des formats vidéos. Le but est de donner envie à tout le monde d’aller dans la même direction.
2/ Qui doit participer à définir la vision ?
Benjamin Retourné
D’abord le leadership d’une boîte. Mais on essaie de faire contribuer pas mal de monde. Chacun peut avoir son avis dessus. C’est un travail transparent. Toute la boîte sait qu’on travaille dessus.
Savinien Lucbéreilh
On intègre les 2 CEO (il y en a 2 chez Partoo) pour qu’ils nous donnent des billes sur l’entreprise qu’ils veulent dans le futur. Ensuite on fait travailler toutes les équipes (Produit, Sales…) pour voir ce qu’ils ont en tête. Le but est de faire du “bottom-up”.
Benoît Terpereau
Chez Lunii, le produit est l’entreprise. On avait déjà la vision des fondateurs. On a décidé d’avoir une approche “bottom-up”. Chaque directeur a nommé une ou 2 personnes pour représenter son pôle. Pendant une semaine on a travaillé avec ces gens pour faire émerger une vision Produit. Elle est ensuite challengée par les fondateurs. Pour moi, il faut inclure tout le monde dans cet effort. Ça permet une acculturation beaucoup plus forte.
Emile Karam
Chez Garantme, l’ownership de la vision était porté par les fondateurs. Ownership veut dire trouver le livrable : définir une méthode et faire participer les personnes pour produire cette vision. Ensuite on a des contributeurs : les membres de l’équipe, partenaires et clients. On suit une méthode pour organiser tout ça. L’ownership permet de faire évoluer et répéter ce cycle.
Christopher Parola
Chez Yousign, il y a 2 phases :
Une phase de collecte (dans toute l’entreprise + infos marché, roadmap des 2 dernières années etc.). Dans cette phase c’est important d’inclure le leadership de l’entreprise.
Une phase de décision où le leadership valide la vision. Il ne faut pas que ce soit seulement un objet de l’équipe Produit. Ça doit venir de toute l’entreprise.
3/ Comment articuler la vision, la stratégie Produit, les OKRs et la roadmap ?
Benjamin Retourné
Je pense qu’il faut faire ce qui correspond à notre culture de boîte. Chez BlaBlaCar, on définit la vision. Ensuite on définit une stratégie annuelle et une roadmap. On a notre manière de faire qui correspond à notre ADN de boîte. Il ne faut pas tomber dans le copier/coller de méthode.
Savinien Lucbéreilh
La vision, c’est le plus important. Ensuite vient la stratégie. Les OKR ou la roadmap font partie de la stratégie. Chez Partoo on définit 2 visions : une court/moyen terme et une long-terme. On définit ces 2 stratégies puis on met en place une roadmap.
Benoît Terpereau
La logique voudrait que ce soit vision entreprise → stratégie → roadmap etc. Moi je trouve ça compliqué. Chez Lunii on essaie d’éviter le bullshit Produit car les gens sont perdus dans tous les termes “Product”. Il faut d’abord rendre la vision claire à 3 ans. Ensuite, on découpe la vision en roadmap. Chez nous on fait des produits physiques donc on est obligé de faire des roadmaps.
4/ Comment définir concrètement la vision Produit ?
Benjamin Retourné
On détermine d’abord avec les fondateurs où on veut être dans 3-5 ans. Ensuite on rencontre les gens dans la boîte en leur demandant “Pour vous, c’est quoi la vision ?”. Puis on agrège toutes ces idées. On arbitre les points où on est d’accord ou pas d’accord. Ça c’est 50% du travail.
Les 50% du travail restant, c’est de la forme. Pour nous, ce sont des écrans qui ne ressemblent à notre produit actuel. Par exemple, dans notre vision de boîte on veut vendre du covoiturage, du bus et du train. On a, à un moment, un écran de recherche dans notre présentation qui représente ça. C’est pas du tout notre écran d’aujourd’hui. On veut juste que cet écran inspire. Souvent sur les pubs à la télé, le produit est simplifié. C’est la même chose : “comment faire une pub télé pour en faire un doc de vision de boîte ?”
Savinien Lucbéreilh
Discussion avec les fondateurs
Discussions avec les différents managers d’équipe de Partoo pour s’aligner sur cette vision d’entreprise. Nous avons une vision d’équipe produit.
On simplifie au max les maquettes en mode pub télé. Vidéos, écrans animés. Pas du tout représentatifs des écrans d’aujourd’hui. Ça représente ce vers quoi on va aller.
Benoît Terpereau
Demander l’autorisation aux founders s’ils sont ok pour construire la vision.
J’ai nommé 2 personnes de mon équipe. 1 Head of Product et 1 Head of Design qui utilisent le Product Vision Sprint : 5 jours de travail autour de la vision produit. Chaque directeur a nommé des gens pour participer à ce sprint.
Au bout des 5 jours, on a une vision dite “stated vision” → la phrase inspirationnelle qu’on rabâche. Et on a une “vision tangible”, construite comme un jeu des 7 familles. Chaque carte va représenter un élément de la vision.
Ce qui ressort de cette méthode : la compression du temps.
La vision n’est jamais terminée. Il faut condenser l’effort dans le temps
Il faut expliquer aux founders que c’est pas grave si quelque chose ne va pas, ce sera revu dans un an. Il faut rendre cette vision la plus tangible possible. J’aime beaucoup les écrans pour aligner tout le monde car c’est très clair.
Emile Karam
J’ai senti le besoin dans un contexte où on recrute beaucoup et où nos opérations se complexifient. Pour éviter d’être gelé face à ça, on a voulu répondre à la question “quels sont les bénéfices de Garantme dans 5 ans ?”. Il a fallu choisir une méthode parmi toutes les méthodes existantes.
Un mix entre la Product vision de Marty Cagan et la vidéo de “Roadmap Relaunched”.
J’ai fait appel à mon associé et au product design pour m’assurer qu’on soit alignés.
On a fait ca en 2 semaines en suivant ce chemin :
1ere semaine : Collecte d’informations : deck construit, discussions clients, discussions associées, workshops designers pour obtenir la “stated vision”, les phrases et visuels inspirationnels (3 slides).
2eme semaine : on a travaillé sur la tangible vision. C’est un Figma avec de l’UI qui répond à “dans 5 ans, à quoi ça ressemblera ?”.
On en parle dans tous nos rituels d’entreprise et auprès des clients.
Christopher Parola
Toutes les méthodes citées sont hyper efficaces. Si on prend le contrepied de ça, c’est quelque chose que j’ai pu faire en arrivant chez Meilleurs Agents ou chez Yousign. Sans avoir l’appui d’un fondateur sympa, l’idée est de faire du bottom-up en regardant les événements les plus précis dans l’organisation : backlog, roadmap.
Qu’est ce que l’orga a prévu de faire pour les prochains mois ?
En partant de là, j’invite les équipes à reconstruire la stratégie. Souvent on trouve 8-9 piliers stratégiques. Ensuite, on se demande comment arriver à un vision statement un peu brouillon. Ça nous permet d’aller voir le Comex avec de la matière. Et on peut alors demander “c’est un brouillon, voilà ce que j’ai compris, peux tu m’aider à comprendre si j’ai compris vers là où on va”. Le fait de venir avec quelque chose permet d’amorcer les discussions plus facilement.
5/ Quelle forme doit prendre la vision Produit et combien de temps vous la revoyez ?
Benjamin Retourné
Chez nous la vision en une phrase c’est “on veut être la plateforme sur laquelle les gens viennent réserver leur transport terrestre”. La forme que ça prend, c’est un deck avec des faux écrans. On ne la revoit pas tous les ans car c’est une cible. On la consulte pour voir si des choses évoluent. On l’a faite il y a 2,5 ans. On voit qu’il faut raffiner certaines parties. C’est aussi lié à la taille de la boite. Comme je crois que c’est un artefact pour aligner les gens, si on la change beaucoup, les gens ne comprennent plus. Il y a 5 ans, on a commencé à vendre du bus et plus seulement du covoiturage. Ça a chamboulé des gens en interne. Le travail de vision a aidé à la compréhension. Il y avait une hype sur la voiture connectée qu’on avait incluse dans la vision. En fait il n’y a pas eu tant d’avancées là dessus donc on l’a retiré de la vision.
Savinien Lucbéreilh
Une de nos valeurs c’est la simplicité. On essaie d’aligner notre phrase de vision à cette valeur là. Notre objectif est de rapprocher les points de vente de leurs clients. Et on est en train de créer une vision sur une expérience simplifiée du commerce conversationnel pour le futur où les gens pourront acheter des produits via des messages. C’est quelque chose qu’on revoit 1 fois par an. Avant on était 25, on la revoyait tous les trimestres. Aujourd’hui on est plus de 400, on peut pas la revoir au trimestre. Maintenant on passe du temps pour la définir pour l’année à suivre.
Benoît Terpereau
On a d’abord une stated vision qui est la phrase inspirationnelle qui est rabâchée à chaque présentation au risque de l’oublier. Ensuite on a ce jeu de cartes qu’on voudrait imprimer pour les employés pour s’en servir. On vient juste de la faire, le but est de la revoir 1 fois par an. C’est indispensable en start-up/scale-up. A chaque fois qu’on la modifie, la vision repart pour 3 ans. Si vous travaillez sur une IA, l’arrivée d’Open AI a dû chambouler la vision. Donc il faut réviser la vision pour la rendre la plus précise possible. Il y a des entreprises et marchés plus stables. Mais dans le monde des startups, 1 an c’est long.
Christopher Parola
Chez Meilleurs Agents c’était une phrase et une vingtaine de slides avec des illustrations, explications, user flows. Chez Yousign c’est juste une phrase. On n’a pas eu besoin d’aller plus loin tellement on est early stage sur ce sujet là. On revoit la vision au minimum 1 fois par an de manière ritualisée. On la revoit aussi au fil de l’eau. Typiquement on a récemment changé un mot de la vision. On est passé de “The best agreement experience” à “The simplest agreement experience” car on trouvait que “best” n’était pas assez illustré. Je pense que c’est important de la revoir au minimum une fois par an vu que nos marchés évoluent beaucoup. Il faut prendre soin de ne pas en faire un objet figé. Quand on s’est beaucoup investi a faire des écrans etc, on peut avoir envie de laisser ça sans le faire évoluer et c’est dangereux.
6/ À quel moment faut-il formaliser la vision produit ?
Benjamin Retourné
Le moment où on l’a fait, c’est quand la boîte est devenue une plateforme multimodale. La boite a été crée par Frederic Mazzella avec l’envie de faire du covoiturage. C’était inscrit dès le début. On est devenu une boite multimodale et on a senti le moment qu’il fallait aligner les gens vers là où on veut aller. On a fait ce travail en 2018. C’est aussi des questions de taille de boîte. On s’est rendu compte qu’il fallait re-clarifier la vision de boite car des gens se perdaient. Certaines personnes sont rentrées dans BlablaCar avec la vision qu’on ne ferait que du covoiturage et que c’est le seul moyen de transport qui existe. Quand ils ont appris qu’on allait aussi vendre des billets de bus, on touchait à leur ambition profonde, ce pourquoi ils sont venus dans l’entreprise. Il fallait qu’on clarifie ça avec eux pour qu’ils y croient (ou non).
Savinien Lucbéreilh
Il y a toujours eu une vision Produit chez Partoo mais pas formalisée. En 2019, on a sorti un nouveau produit. On s’est rendu compte que les pitchs commerciaux différaient d’une personne à l’autre. Il y avait un besoin d’alignement. C’est là qu’on a fait ce travail de vision produit pour aligner tout le monde et raconte la même histoire.
Benoît Terpereau
La vision, la stratégie, les OKR sont des outils de scale. Quand on est 15 dans une startup, on fait un meeting et on avance. Plus on grossit, plus on se rend compte que les équipes ne sont pas alignées. On a l’impression qu’on se bat les uns contre les autres. Plus on grossit plus on a besoin de ces outils. Ça fait 2 fois que je suis CPO maintenant. A chaque fois que j’arrive dans une startup post série A, j’indique qu’il faut une vision Produit. A partir de 80 personnes on voit les premières frictions entre les pôles. Et la vision devient primordiale.
Émile Karam
Le cas de Garantme est proche de chez Partoo. La vision Produit existait mais n’était pas conscientisée. On voyait la vision sur une brochure marketing ou un deck investisseur. Mais on ne l’avait pas conscientisée pour répondre à la croissance, à la création des départements. On devait recruter mais en tant que founders on n’avait pas le temps de faire toutes les entretiens… C’est venu 3 ans après la création.
Christopher Parola
Quand l’énergie des founders ne suffit plus à aligner toute l’entreprise. Je l’ai connu chez Meilleurs Agents ou Yousign, 7-8 ans après la création de l’entreprise. Environ 100-120 personnes au sein de l’entreprise. Il y a peut être des gens dans la salle dans des sociétés plus grosses et qui n’ont pas mis en place la vision. Quand les gens ne font pas la même chose, c’est le moment de le faire. Si les fondateurs n’ont plus le temps d’animer la vision ou de la diffuser, c’est le moment de la formaliser.
7/ Quelles sont les erreurs (ou biais) à éviter ? Et les tips pour réussir ?
Benjamin Retourné
C’est pas une personne qui doit monter la vision. C’est un travail de groupe. C’est un outil de communication donc ça doit être inspirationnel, facile à comprendre. Il faut utiliser la vision. Tous les nouveaux qui arrivent dans la boite doivent la voir. À chaque talk interne, on doit s’y rattacher.
Savinien Lucbéreilh
Erreur 1 : quand j’ai rejoint Partoo, j’ai fait le travail seul de mon côté et je l’ai présenté aux 2 CEO. J’ai vu dans leur regard “soit il est con, soit il est visionnaire”.
Erreur 2 : quelques mois plus tard, j’ai impliqué trop de monde. À la fin on n’a rien sorti, j’étais perdu donc j’ai laissé passé du temps.
Erreur 3 : on a manqué de communication. Je pense qu’il faut sur-communiquer. Il faut rabâcher la vision des dizaines de fois. Pourtant, à ce moment, on a fait une présentation annuelle de la vision qui s’est perdue. Tout le monde était désaligné.
Benoît Terpereau
La personne en charge du produit doit incarner la vision mais ce n’est pas à cette personne de faire le travail. Quand on a fait ce travail de vision produit, j’étais chez Lunii depuis 6 mois seulement. Capucine, notre Head of Product, était là depuis 2 ans. Ils étaient plus légitimes que moi à faire ce travail. Le piège est donc de ne pas se positionner en tant que visionnaire en étant CPO. Deuxième point : ne pas repartir de zéro. Il y a forcément des decks, des pages Notion (ou autres) qui aident. Il faut demander aux stakeholders ce qui a été fait auparavant. Il ne faut pas refaire ce qui a déjà été fait. C’est long mais le travail sera plus simple ensuite.
Émile Karam
Je pense que l’erreur ne coûte pas chère car elle peut être corrigée rapidement. Quand on développe un produit, si on se loupe sur du développement on peut vite prendre 6 mois d’erreur et ça fait mal. Mais sur le sujet de la vision, les documents qu’on élabore se modifient assez vite. Donc l’impact de l’erreur n’est pas si gros. De mon côté la manière la plus simple de dérisquer ça : choisir une méthode pour avoir un cadre et ne pas être figé dans l’immobilité. Ça permet de dérisquer et de pouvoir bouger.
Christopher Parola
Une erreur que je vois souvent : le syndrome Steve Jobs. On a tellement rabâché le fait que Steve Jobs faisait des présentations incroyables que ça créé des complexes sur le sujet de vision. On croit qu’il faut un don pour formaliser une vision. Certaines leaders se sentaient “solo owner” de ces sujets. Je pense que c’est un mythe et je crois plus aux approches collectives et documentées qui évoluent. Pendant très longtemps je me suis empêché d’aller sur ces sujets de vision à cause de ça. Il faut être décomplexé par rapport à ce sujet. Testez quelque chose, faites un draft.
Autre erreur : ce combat qu’on voit entre “ça c’est la vision des founders, ça c’est celle des équipes”. Il ne faut pas mettre en conflit la construction de la vision en fonction d’où elle vient.
8/ Comment on fait pour éviter que la vision Produit ne devienne qu’un document que personne n’utilise ?
Benjamin Retourné
Il faut l’utiliser tout le temps. Plus on l’utilise, plus on se rend compte quand la changer. On ne la ritualise pas assez pour l’utiliser en permanence. On a mis la boite sous cloche pendant le covid et c’est important de le ritualiser à nouveau.
Savinien Lucbéreilh
Je pense qu’on ne la communique pas assez. Mais si on le faisait plus, on ne le ferait jamais assez. Quand on définit la roadmap, on se pose toujours la question : “Les problèmes remontés par les users rentrent-ils dans la vision ou non ?”
Benoît Terpereau
Chaque fois que vous faites une présentation Produit, je pense qu’il faut la faire démarrer par une “stated vision”. La vision Produit est vague pour les gens et donc il faut la rabâcher pour qu’ils l’intègrent. Spécialement quand on est Product et qu’on travaille avec des designers et développeurs. Il faut aussi mettre ça dans les process d’onboarding. C’est un excellent outil de recrutement. Une fois recrutés, on peut en faire une partie du process d’onboarding. C’est hyper important car dans les startups le turnover est élevé. Si on ne rabâche pas la vision Produit aux nouveaux, très vite personne ne sait plus ce que c‘est.
Emile Karam
On partage la vision lors des recrutements. On en discute avec les candidats. On a les rituels trimestriels au sein de la boite où on fait un bilan de l’entreprise. On rabâche la vision. Ceux qui sont là depuis longtemps dans la boite commencent à la réciter. Sur le process d’onboarding, la présentation de la vision est enregistrée. La vision apparaît aussi sur les decks des commerciaux. Quand on est sales, il y a toujours une feature en plus souhaitée par le client.
La vision est un très bon moyen de sortir de ça. Si un client veut cette solution : on va remonter aux besoins. Sache que Garantme est en train d’oeuvrer pour y répondre. Si ces besoins t’intéressent, tu peux parier sur Garantme. On embarque le client sur la vision et c’est un bon moyen de sortir de cette machine à features. Dans la discovery, on utilise la méthode Discovery Discipline de Rémi Guyot. Une des activités est de chercher les critères de succès de la feature. Un travail d’alignement est de faire le chemin entre le critère de succès et la vision.
Christopher Parola
Chez Yousign, je pense qu’on l’utilise pas assez à l’échelle de l’entreprise. Au sein de l’équipe produit, on essaie d’insister dessus. Je parlais tout à l’heure de la simplicité qui est importante pour nous. En ce moment on essaie de noter dans tout ce qu’on fait : “en quoi c’est plus simple ?”. Ça permet de le rabâcher dans les réalisations qu’on fait. Un autre point est que la vision devrait garantir un haut niveau d’autonomie si elle est bien comprise par les équipes. Elle doit permettre aux équipes de prendre des décisions. Un marqueur du fait que c’est suffisamment animé ou pas dans l’organisation, en tant que leadership produit dans l’entreprise est de savoir si on a des questions dont les réponses se trouvent dans la vision.
Nous on dit clairement dans notre vision que les grandes entreprises ne nous intéressent pas car on cible les TPE/PME. Si en interne on nous dit par exemple “cette feature est pour les gros comptes” → là on a un problème. Ces marqueurs sont importants pour répéter la vision régulièrement.
Récemment on a été initié un travail dans les équipes : construire des visions par ligne de produits qu’on commercialise. Ces “sous-visions” se rattachent elles-mêmes à la vision principale. Elles sont moins inspirationnelles mais elles garantissent le vocabulaire commun et facilitent la prise de décision pour les équipes.
9/ Tu conseillerais quoi aux personnes dans l’audience qui voudraient initier ce travail de vision produit ?
Benjamin Retourné
Ne vous adaptez à la méthode, adaptez la méthode à vous. Lisez des choses, regardez des vidéos et construisez quelque chose qui vous correspond. N’essayez pas de répliquer quelque chose qui existe à côté.
Savinien Lucbéreilh
On dit souvent quand on lance une boite qu’il faut se planter. Je pense que c’est pareil pour construire une vision. Nous avons beaucoup galéré au début mais c’est en prenant toutes les petites réussites qu’on y parvient. Il faut se planter pour y arriver.
Benoît Terpereau
On a parlé tout à l’heure des problèmes d’alignement dans l’entreprise. Les visions qu’on présentées sont des visions d’entreprise. Mais le travail peut se faire au niveau d’une squad. Si votre leader produit n’est pas intéressé par l’exercice global, vous pouvez faire le travail au niveau d’une squad. Mon premier conseil serait donc de le tester d’un point de vue atomique. Ce serait une bonne façon de se lancer.
Émile Karam
Savoir pourquoi vous avez besoin d’une vision. Être sûr de savoir quoi accomplir avec cette vision. Si on veut avoir les effets escomptés, c’est un travail dans la durée. Si vous êtes convaincus vous-même, vous pouvez convaincre une personne en plus. Puis convaincre toute la boîte.
B. Les questions de l’audience 👨👨👦
1/ Quelle est la différence entre la vision d’entreprise et la vision produit ? Et la mission vs la vision ?
Benjamin Retourné
Pour moi c’est la même vision. On est une boite product-driven. S’il n’y a pas de site ou d’app mobile, il n’y a pas de boite. Le produit doit construire cette plateforme qui permet de réserver. Notre mission est un truc hyper inspirationnel : “amener la liberté, l’égalité et la fraternité dans le monde du voyage”.
Savinien Lucbéreilh
Dans le passé, Partoo était une boite Sales-driven. Au début on n’avait pas de produit. Avec le temps, c’est devenu une boite Produit avec vision uniforme.
Benoît Terpereau
Nous on a une vision d’entreprise qui est inspirationnelle. Et on a besoin d’amener cette couche de vision Produit pour que les gens sachent ce que ça veut dire de manière concrète. Cette couche permet d’aligner les gens. L’organisation Produit chez Lunii est nouvelle. Peut être qu’à un moment on fera les 2 en même temps. Mais tout ça dépend de l’entreprise et de comment le fondateur positionne sa vision.
Emile Karam
Chez nous il y a une vision, des objectifs et une stratégie. Pour chacune de ces choses là, il y a un livrable. Pour la mission : c’est ce qu’on fait au quotidien pour atteindre la vision. Chez Garantme :
On construit des produits d’assurance permettant de sécuriser le loyer
On construire des outils digitaux qui permettent à une agence de fluidifier son quotidien
Christopher Parola
Ce qui est important pour moi c’est que la vision permet de décrire ce que tu vas faire et ne pas faire. Que tu appelles ça un why ou pas, ça va fonctionner. La complexité qui est que, dans les années 2012/2013, Il y avait toute une mouvance avec la méthode agile qui disait qu’il fallait une vision agile. Et ça amène de la complexité dans tout ça. C’était plutôt ce qu’on va décrire nous : une vision d’un produit. Mais il faut bien une vision d’entreprise et après tu vois si tu veux la décliner en “product lines” ou pas (si tu as plusieurs produits)
2/ Comment arrivez-vous à prouver que les équipes sont alignées avec la vision ou qu’elles ne le sont pas ?
Christopher Parola
On va d’abord évaluer quelles questions les équipes posent pour voir si elles sont alignées ou pas. Si dans les questions posées par les équipes, celles-ci s’adressent à des sujets ciblant les grandes entreprises, on est complètement hors de notre vision (qui est plutôt pour les startups et TPE/PME). Tu as des émergences comme ça dans ton organisation pour identifier l’alignement.
Benoît Terpereau
Dans certaines organisations, les membres de l’équipe ont leur propre vision de ce qui devrait réussir. Par exemple j’ai bossé chez Deezer : les gens avaient des convictions très fortes sur ce qu’il fallait faire ou pas. Il y a des gens qui adhèrent à certains concepts et d’autres non. Il vaut mieux que les gens qui n’adhèrent pas aillent dans une autre entreprise dont la vision leur correspond mieux.
Benjamin Retourné
Avant notre vision était de remplir des sièges vides dans des voitures. On est passé à vendre tous les modes de transport. Il y a des gens qui ont quitté BlaBlaCar du fait de ce changement de vision car ils n’étaient plus alignés. Et c’est bien pour eux et pour tout le monde. Il y a des gens qui s’aperçoivent que ce n’est plus ce qu’ils veulent faire au fond d’eux-mêmes. On ne peut pas satisfaire tout le monde.
3/ Créez-vous plusieurs versions de vision (une interne, une pour vos clients, une pour les candidats, pour vos investisseurs…) ?
Benjamin Retourné
On a une version longue qui est un artefact de communication dans laquelle on peut piocher des bouts. Et en fonction de qui tu es, je vais prendre des bouts qui sont indépendants les uns des autres.
Savinien Lucbéreilh
Nous c’est pareil : on a une grosse vision pour l’équipe tech et produit. Ils ont besoin de voir plus loin. En revanche, pour les Sales, on enlève les parties techniques et inspirationnelles. Eux vont piocher dans la grosse présentation les éléments qui vont les aider dans le discours commercial. Notre vision globale tient sur 60 slides. Il y a beaucoup de maquettes, de flow utilisateurs etc.
4/ Je vis un écart énorme entre la vision des fondateurs et le reste de l’équipe. Avez-vous vécu ce cas ?
Benoît Terpereau
La vision Produit est le bon moyen de parler de ce gap. J’ai déjà eu le cas de fondateurs qui poussaient très fort dans l’exercice de Product Vision. Jusqu’à un moment où j’ai vu les équipes se dirent “ok c’est pas faisable, je laisse faire les founders”. C’est pour ça que j’ai tendance à sortir volontairement le leadership de ce process. L’avantage de le faire en bottom-up, c’est qu’en cas de problème, il est mis au grand jour et on en discute. Ta boite ne peut pas réussir si les personnes ne vont pas dans la même direction. Ton rôle est de faire naître cette vision bottom-up et de la présenter.
5/ La vision est-elle “dream-built” ou doit-être elle “backée” par de la research ?
Christopher Parola
Moi j’aime bien avoir cette approche bottom-up. Pendant qu’on définit la vision, c’est pas comme si la boîte ne faisait rien. Il y a déjà des morceaux de cette vision qui est déjà en train d’être exécutée quelque part. Ce qui est intéressant c’est que si dans ton équipe Produit il y a une capacité de recherche, tu peux l’utiliser pour la confronter sur un artefact qui sort de cette vision. J’ai eu le cas chez Meilleurs Agents où les équipes se disaient “c’est certain que ce produit ne marchera pas”. Mais les fondateurs étaient convaincus. A un moment donné c’est la limite de l’équipe Produit. Par contre elle a fait une recherche extrêmement poussée sur ce produit qui a permis de comprendre que c’était pas une bonne idée. Les conclusions sont remontées et ont permis de changer la vision qu’on avait sur ce type de produit. Je crois aussi beaucoup à ça. Soit la vision est un projet dans lequel tu peux investir des ressources (user et market research). Soit tu n’as pas ça, et dans ce cas, je trouve intéressant de accepter et de le tester le plus vite possible pour montrer des choses. Comme ça tu as des arguments qui viennent de cette phase de recherche.
Savinien Lucbéreilh
Je me reconnais dans ce que tu dis. Chez Partoo, c’est l’amour du risque. On a présenté une vision en 2018. Personne n’était aligné dessus. Pourtant le premier produit sorti était un carton. Derrière on s’est lancé sur un autre produit et au moment où on l’a lancé, on avait une vision très forte malgré le manque d’arguments. La vision on l’a développée à ce moment mais le produit n’a fonctionné que 2-3 ans plus tard alors que personne n’y croyait. Et là c’est pareil, la nouvelle vision que l’on a est sur la centralisation de messages pour communiquer entre consommateurs et points de vente. Si on regarde le nombre de messages qui sont envoyés entre ces 2 parties, il est très faible. Pourtant on est convaincu que demain ça va exploser. Notre objectif est donc de convaincre le reste de la boite que ça va arriver. La chance qu’on a c’est que ça a déjà marché 2 fois dans le passé. Mais les premières fois ça a été vraiment chaud de convaincre les gens.
6/ Est-ce qu’il y a des méthodologies ou conseils pour la gestion des désaccords dans le process de définition de la vision ?
Benjamin Retourné
J’ai pas de méthode très précise. L’approche qu’on a pu avoir est qu’il y a un temps pour tout. On a des valeurs qui sont “dream, decide, deliver”. Il y a des meetings “dream” où les gens peuvent exprimer leurs idées. Après on fait un meeting “decide” pour décider. Puis on “disagree” ou “commit”. Le fait de la formaliser permet d’aligner les gens derrière cette décision.
Benoît Terpereau
On avait une règle chez Deezer que je trouvais intéressante. Si au bout de 20 minutes de discussion, 2 personnes ne sont pas d’accord, il y a 90% de chances qu’elles restent de cet état de désaccord. Essayez de rendre claire quelles sont les chaînes de commandement. Si 2 personnes sont en désaccord, c’est la personne à laquelle l’autre “reporte” qui doit trancher. Dès maintenant. Pas la semaine prochaine ou dans 15 jours. Ne rentrez pas sur cet exercice de vision avec des débats sans fin.
Émile Karam
Un article qui m’a beaucoup aidé s’appuie sur l’écoute active et la pyramide des niveaux logiques. Dans une discussion, essayez de repérer de quoi vous parlez et à quel étage vous êtes. Par exemple, vous parlez de la solution et il y a un désaccord sur la solution. La solution c’est la vision Produit. On n’arrive pas à se mettre d’accord et dans ce cas un moyen de sortir de ce niveau là est de monter à l’étage d’au-dessus. “Quel problème on essaie de résoudre ? Pourquoi veut-on construire une vision Produit ?”
Si on ne trouve toujours pas d’accord, on remonte à l’étage du dessus
“Quel besoin veut-on adresser ?”
J’utilise ce framework sur toutes les discussions pour :
Écouter activement la personne en face de moi pour identifier l’étage où on est
Remonter à l’étage du dessus pour débloquer la situation
Une fois l’alignement trouvé, redescendre les étages ensemble
Ça peut s’appliquer sur une feature comme ça peut s’appliquer sur le choix d’un restaurant.
7/ Est-ce que dans la révision de la vision, vous la revoyez en fonction de l’environnement extérieur (ex : nouveau concurrent) ?
Christopher Parola
Chez Yousign c’est complètement le cas. On a 2 choses :
Un concurrent Américain qui est sur le segment Enterprise. Ce qui nous a poussé à nous décaler et changer de segment (aujourd’hui inclus dans notre vision)
On a une conviction que le service que l’on propose (NDLR : la signature électronique) va devenir une commodité. Et donc que son coût va baisser. Et dans 5 ans on ne pourra plus gagner autant d’argent même en vendant autant. Notre vision porte une dimension de diversification. Dans notre vision, on ne dit pas qu’on est acteur de signature électronique. On dit qu’on est acteur de contractualisation. Ça nous permet d’aller sur de la préparation de documents, sur de l’archivage, de la signature etc. Cette vision permet de préparer l’avenir. Elle est complètement liée à la concurrence et au marché.
Savinien Lucbéreilh
Dans le passé on était plutôt suiveurs. Avec le temps on est devenus leader de notre marché. Avant on suivait la vision de nos concurrents. On en a toujours 2 gros. Aujourd’hui notre vision est en décalage avec ce qu’ils font. On prend vraiment des trajectoires différentes. Un autre truc : on avait défini des piliers sur la trajectoire qu’on voudrait prendre dans le futur. Et ces concurrents ont repris les piliers sur leur site. Un des 2 concurrents a même affiché sur son propre site qu’il partageait un pilier commun avec Partoo.
Benjamin Retourné
On a évolué d’une vision covoiturage à du multimodal car le marché évolue vers ça. Et aussi après avoir compris qu’on ne pourrait pas convaincre tout le monde de faire du covoiturage. On aurait pu rester une boite de covoiturage mais notre ambition allait au-delà. Il se trouve qu’on va sur des marchés type Amérique du Sud, Pologne où l’environnement est différent. Il va falloir s’adapter aux spécificités locales.
8/ Quand vous construisez cette vision, définissez vous des indicateurs ou horizons qui vous permettent de voir si vous allez dans la bonne direction ? Comment faire pour que le chiffre prenne pas le dessus sur la vision ?
Benjamin Retourné
On n’utilise pas d’indicateur chiffré. La vision est une cible. On veut l’atteindre et on voit tous les ans comment on avance. Pour moi les KPI sont plus du suivi de la performance. J’ai du mal à croire qu’un chiffre soit assez inspirationnel pour embarquer une boite sur plusieurs années.
9/ Dans une boite chaque département a sa vision. À quel point “forcez-vous” la vision Produit auprès des autres pôles ?
Benoît Terpereau
Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’équipes qui fassent ce travail de vision. Je pense que quand on fait partie du Product, on a cette appétence. Je ne connais aucune équipe Sales qui a fait ce travail de vision. En tech, on peut avoir une vision d’architecture tech ou de performances. Qui va rarement venir en concurrence avec la vision Produit. C’est pour ça que je prône c’est exercice bottom-up avec tout le monde pour que ce soit centralisateur. Les Sales vont bosser dessus, les tech aussi. Je n’ai jamais entendu parler de conflit ou de vision qui vont dans 2 directions différentes. Si ça arrive, c’est que le travail bottom-up n’a pas été correctement fait.
Christopher Parola
On parle beaucoup de Product-Led Growth. Je pense qu’il ne faut pas se tromper : on ne parle pas de la vision de l’équipe produit. On parle de la vision de l’entreprise qui passe par le produit. L’équipe produit est un catalyseur qui permet de créer cette vision. Ensuite les équipes produit vont permettre de l’exécuter mais ce n’est pas un objet de l’équipe Produit. Tout le monde devrait y participer, y compris les tech et les Sales.
Emile Karam
La vision Produit est le livrable de la vision d’entreprise. Elle permet aux autres de passer à l’action. A partir de la vision Produit, chaque équipe va pouvoir déterminer ses propres objectifs chiffrés, plus “court-termistes” liés à leur périmètre. Chaque équipe peut en faire une déclinaison.
10/ Je travaille dans une entreprise rattachée à un groupe. On a notre propre vision et le groupe a la sienne. Comment affirmer notre vision avec celle de la boite mère ?
Benoît Terpereau
Je dirais que les process qu’on a décrits tout à l’heure sont valables pour cette configuration. Si votre groupe a décidé de conserver chaque entreprise sous son identité, c’est que chacun doit avoir son utilité et que la vision est bonne pour chacun.
Christopher Parola
J’ai vécu le cas chez Meilleurs Agents. On était 400 et on s’est fait racheter par un groupe de 16000 personnes. Ils avaient racheté l’entreprise pour la vision qu’elle souhaitait exécuter. Mais au bout de 2 ans il a fallu fusionner les visions avec celle de l’entité principale. Il a fallu 2 années pour la fusionner. L’échelle de temps varie vraiment en fonction de la configuration.
11/ Quel est le bon ordre de grandeur de personnes pour participer à construire la vision ? Faut-il privilégier un certain type de personnes ?
Savinien Lucbéreilh
On a des key business stakeholders. On essaie de définir un certain nombre de personnes dans chaque département de Partoo. Pour construire la vision, on choisit à chaque fois une personne dans chaque équipe.
12/ Auriez-vous des conseils pour activer la méthode de construction de vision en “bottom-up” dans une organisation qui croit très vite ?
Savinien Lucbéreilh
J’ai eu la même problématique. On est passé de 70 avant covid à plus de 430 maintenant. Les insights de chaque personne sont remontées dans chaque département. On le rabâche en permanence. On fait des classements des personnes qui en laissent le plus, le moins etc. Pour s’aligner avec les équipes : on avait fait un gros travail pendant le covid en demandant à toute la boite quelle personne voulait s’impliquer dans la vision Produit. J’ai récupéré des volontaires mais aussi les noms de personnes qui ne souhaitaient pas s’impliquer. Je me souviens d’une personne qui m’a dit qu’elle n’était pas d’accord avec la vision Produit qui avait été définie. Et je lui ai répondu qu’elle n’a pas voulu s’impliquer et qu’il fallait le faire pour donner son avis.
13/ Je travaille chez Renault sur les apps mobile. Comment réussir à faire en sorte de faire émerger une vision Produit dans ces petites entités de l’entreprise ?
Benjamin Retourné
Je pense que c’est un mélange d’alignement et de communication. Comment chercher des gens dans les équipes d’autres entités, leur poser des questions et leur présenter ce que tu veux faire ? Et quand tu as un 1er résultat, comment tu fais germer cette graine. L’analogie c’est comment tu vas mettre une petite graine dans la tête des gens. Et plus tu le fais en amont, pendant et après, plus ça va donner de l’importance à ton travail.
14/ Pour aller plus loin
Product Inbox Focus #8 - Comment construire sa vision Produit par 6 CPO
La version Podcast de cette édition sur la vision Produit
Épisode sur le Product Vision Sprint chez Lunii avec Capucine Borghese
Building the Product Vision at Garantme
Vision Produit : comment garder le cap et progresser - Garantme
Vision Produit : Partie 1/3 - Christopher Parola (CPO @Yousign)
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Timothé